Alertez les bébés !
Lorsque Priceminister nous a proposé d'arbitrer un match amical entre Virginie Despentes et Michel Houellebecq, il s'en est fallu de quelques secondes pour savoir que nous nous rangerions du côté de cette jeune femme dont nous n'avions encore rien lu.
A la fin du premier chapitre, j'ai compris que Apocalypse bébé ne faisait pas partie du genre de livres que j'ai l'habitude d'engloutir. Tant les thèmes abordés que la nature des personnages, ou encore le style de l'auteur m'ont mis la puce à l'oreille... J'avoue avoir été dubitative au cours des premiers chapitres, pour ensuite me rendre compte que je tenais entre les mains un ouvrage très prometteur. Seule une fin en rupture avec le ton du tout me laisse un peu perplexe, sans toutefois parvenir à gâter la qualité globale du roman.
La première collision avec Apocalypse bébé a lieu dès les premières lignes, lorsque l'on est confronté à la plume de Virginie Despentes. Le langage de la narratrice (un chapitre sur deux) et de tous les personnages est direct, argotique, parfois cru, marrant aussi. Très ancré dans son époque, disons même en 2010, et dans son pays - voila un livre qui sera amusant à relire dans 2 ans, quand notre langue aura encore évolué, ou régressé, plutôt ? L'écriture est vive, vivante, rythmée, emportée, engagée, enragée parfois. Sans faux-semblants, l'auteur ne ménage pas son public.
Virginie Despentes doit être une observatrice hors pair de notre société : elle dresse des portraits criant d'authenticité d'une jeune fille paumée, d'une détective privée transparente, d'un altermondialiste et de sa clique, d'un musulman des HLM,... On voudrait parfois se rassurer en se disant que c'est bien un roman que l'on est en train de lire, parce que le tableau de la société que nous livre l'auteur est tout sauf réjouissant, mais on sent le vécu derrière le romancé. L'énorme potentiel de l'auteur apparaît dans toute sa puissance, son expérience ou son talent auraient permis d'offrir un roman entier à chacun de ces personnages : on peut presque regretter qu'ils n'aient pas été exploités à fond. Il en est de même de la quantité de thèmes qui sont abordés au cours de ces 350 pages, dépassant de loin l'enquête sur une disparition qu'il prend pour prétexte : la jeunesse paumée et la débauche, la maternité (dans une vision très pessimiste), la toxicomanie, les radicalismes et les extrémismes, la lutte des classes (qui n'est pas morte...), l'internet et sa toute-puissance (exagérée ?), et surtout, l'homosexualité féminine. En un mot, voila une lecture nécessaire, bien au-delà de la provocation.
Virginie DESPENTES, Apocalypse bébé, 2010.