American cimetery

C'est que le style de l'auteur s'est méchamment appauvri (à moins que mon souvenir ait embelli ma première rencontre avec Tracy Chevalier) : l'auteur, donc, entreprend de donner la parole à chacun de ses protagonistes dans ce qui fait penser à des extraits de journal intime (même si ce n'est pas présenté comme ça). Or, sa tentative de les différencier par un changement de style qu'elle pense adapté à leur personnalité me paraît être un petit échec. N'est pas Jonathan Coe qui veut. Le jeune fossoyeur ou la bonne ont un langage vulgaire, et les demoiselles de bonne famille sont de petites pimbêches, avec plus ou moins de moralité : je n'ai trouvé aucune finesse, aucune profondeur aux portraits qui se dessinaient au fil des pages. Je n'ai pas non plus eu l'impression d'être plongée en plein début de XXème siècle, malgré la profusion d'éléments historiques (et les dates) qui parsèment le récit, comme c'est le cas lorsque je lis un auteur contemporain de 1900.
La quatrième de couverture proposée par Folio me paraît bien trompeuse car les grands bouleversements annoncés apparaissent bien après la moitié du livre, alors que l'esprit s'est déjà enfoncé dans un ennui... mortel. La cause des suffragettes ne m'a pas parue centrale, et d'ailleurs elle ne fait son apparition qu'à mi-roman, étant en effet, d'un certain point de vue, l'élément déclencheur des drames qui pimentent la fin du récit. A vrai dire, le roman aurait été intéressant s'il avait été amputé de ses 200 premières pages, et qu'on en avait étoffé les 200 dernières.
Reconnaissons que malgré le peu d'intérêt pour l'histoire en elle-même (sauf tardivement), et l'incompréhension hostile pour le choix narratif (alternance de voix), c'est une lecture qui ne demande aucun effort. En revanche, certaines tournures de phrases, expressions détournées ("remuer le clou dans la plaie") ou la répétition d'expressions (comme "compte-tenu") toutes les trois pages ont de quoi franchement agacer ! Peut-être la traduction est-elle à remettre en cause (me dis-je dans une ultime tentative de sauver l'auteur).
Tracy CHEVALIER, Le récital des anges, 2001.