Amie des Juifs... et fière de l'être

Ce sont bien sûr les écrits de la jeune Françoise Siefridt qui font tout l'intérêt de ce petit volume, mais il faudra patienter 80 pages avant d'avoir accès au fameux Journal. Heureusement, la préface de Jacques Duquesne est un rappel instructif du contexte historique dans lequel la jeune Françoise a décidé de se rebeller contre la loi imposant aux Juifs de France le port de l'étoile jaune. Ces quelques explications suivent ce fil rouge : quelle a été la réaction de l'Eglise catholique face à la Solution finale décidée par les nazis ? Pour répondre à ces questions, l'auteur rapporte actes et paroles de différents membres du clergé qui se positionnent par rapport au régime de Vichy. Une riche bibliographie, soufflée en notes subpaginales et condensée à la fin du volume, permettra d'éclairer le lecteur le plus curieux...
La postface de Cédric Gruat, plus courte, reprend de nombreux passages du journal que nous venons de quitter - et qui sont donc encore tellement présents à notre esprit que tout cela peut paraître redondant - pour l'analyser quelque peu. L'auteur entreprend même de réexpliquer sommairement l'histoire de Françoise Siefridt qui, pour quiconque a la mémoire plus développée que celle d'un poisson rouge, doit encore se souvenir de ce qu'il vient de lire dans le Journal... Heureusement, Cédric Gruat s'attarde sur les motivations de ces quelques Parisiens qui ont voulu, à l'instar de Françoise, porter cette étoile détournée, ainsi que sur l'objectif supposé des nazis qui ont imposé cette mesure humiliante et qui ont aussi emprisonné ces "Amis des Juifs" (pourquoi seulement trois mois ?), et dévoile encore l'"après Drancy" de ces résistants pas comme les autres.
Dans les Annexes (à consulter en cours de lecture), quelques pages d'une pertinence avérée sont consacrées à développer brièvement des sujets comme l'étoile jaune, la caserne des Tourelles, le camp de Drancy (points d'un départ sans retour vers Auschwitz...), un bilan de la déportation,...
Enfin, le Journal en lui-même est frappant de sobriété. Françoise relate ses 80 jours de détention en à peu près 80 pages : elle va à l'essentiel - mais des notes de bas de pages ainsi que la précieuse préface sont là pour pourvoir aux lacunes du Journal qui n'avait visiblement pas vocation à instruire sur autre chose que le vécu des prisonnières.
Françoise Siefridt, alors âgée de 19 ans et fervente catholique, entreprend de rédiger son journal dès son arrestation alors qu'elle arpente le boulevard Saint Michel, arborant son étoile jaune ornée du mot dérisoire "Papou". Elle se contente la plupart du temps de relater les faits qu'elle observe autour d'elle. Au début, aux Tourelles, la vie semble encore supportable : Françoise tricote, lit, apprend, crée des liens. A Drancy, tout est différent, les conditions de détention deviennent invivables. Ce qui marque, c'est cette solidarité entre toutes les femmes (Juives, Amies des Juifs, communistes), et aussi la foi et l'espoir de Françoise qui va pourtant assister impuissante au départ pour les camps d'extermination de celles qui seront devenues des amies, conscientes de la mort prochaine qui les attend. Les milliers d'orphelins, parfois à peine en âge de marcher, envoyés au camp insalubre et dont Françoise s'occupera avec tant de dévouement, ne laissent pas non plus insensible...
Ce court volume (à peine plus de 200 pages) met à l'honneur ces Amis des Juifs méconnus, et rien que pour ça, il mérite d'être lu.
Nous remercions Livraddict et les éditions Robert Laffont qui nous ont permis de découvrir ce témoignage !


Françoise SIEFRIDT, J'ai voulu porter l'étoile jaune, 2010.