Communion d'esprits
Cela fait quatre ans et demi que Robin Grant n'a pas touché à sa thèse de doctorat. Déprimé, dépressif, notre intellectuel socialement inadapté, révolté par la politique de Mme Thatcher (nous sommes en 1986 et Reagan vient de bombarder la Libye avec le soutien de son allié britannique) se lance dans des réflexions originales sur l'amour et l'amitié. Lui qui se rêve écrivain, c'est par le biais de courtes nouvelles - des métarécits à l'intérieur du roman de Jonathan Coe ! - qu'il laisse transparaître son étrange vision des choses.
Un homme et une femme peuvent-ils connaître une véritable communion d'esprit et pourtant devenir amants ? C'est le thème du récit contenu dans le premier carnet rouge de Robin. Les trois autres écrits tentent de répondre à des questions comme celles-ci : un couple d'amis - qui sont manifestement plus que des amis, même s'ils ne connaissent pas le charme des rapports intimes - est-il destiné à s'éteindre dès lors que les deux personnes qui le composent tombent amoureuses l'une de l'autre ? Tout ce qui nous arrive est-il le fruit de hasards, admettant l'idée que toute responsabilité nous échappe ? Peut-on tout contrôler ? L'homosexualité résoudrait-elle toutes les difficultés relationnelles que Robin connaît avec les femmes ?
Si ces interrogations ne sont pas abordées de front, elles le sont avec simplicité (surtout sous la forme de dialogues) ironie et humour, sous la plume de notre étudiant dépressif : une fois de plus, Jonathan Coe se démultiplie et fait varier son style au gré des rôles qu'il endosse. Chaque métarécit s'enchâsse dans la vie réelle des personnages : ils aident à comprendre le fonctionnement de leur auteur (pour son entourage, mais aussi pour nous), son passé, mais éclairent également l'action présente d'un jour nouveau.
Indéniablement, la structure du roman est originale, la plongée dans le monde particulier de l'université est réussie, tout comme les thèmes abordés sont intéressants, de même que les pistes de réflexion lancées. Pourtant, je ne me suis pas du tout attachée à la plupart des personnages, même si Jonathan Coe leur a donné cette humanité qui caractérise son oeuvre. De même, au terme de ces 280 pages, les protagonistes restent entourés d'un brouillard (tout londonien, ajouterez-vous) un peu frustrant : tout n'est pas vraiment clair. Il faut dire qu'en 1989 l'excellent auteur britannique en était encore à ses débuts - pas mauvais du tout ! - et que depuis il a livré l'inoubliable La pluie avant qu'elle tombe, ou bien le schizophrénique Bienvenue au Club, ou encore le succulent Testament à l'anglaise, ou l'orginal La Maison du sommeil !
Pour ma part, j'ai lu ce roman dans le cadre du challenge Jonathan Coe (1/2) !
Jonathan COE, Une touche d'amour, 1989.