Dans l'ashram d'Amma Notre Mère
Il y a bien des années, j'ai accompagné Catherine Clément en Inde. J'avais dévoré Pour l'amour de l'Inde, avant de changer d'air, bien plus tard, avec La Señora. En attendant de découvrir le tout récent Dix mille guitares, je renoue avec l'ancienne colonie britannique à l'occasion de la lecture des Derniers jours de la déesse, sorti en 2006.
Cette fois, c'est la dimension formidablement spirituelle de l'Inde qui est mise à l'honneur. Figurez-vous que dans ce pays, n'importe qui peut se prétendre dieu - homme ou femme, blanc ou noir, Indien ou étranger - et créer sa propre secte. Vous n'ignorez pas qu'il existe des milliers de divinités dans cette partie du monde où l'athéisme est une hérésie. Eh bien, Rachel Ephraïm, dite Amma Notre Mère, en était une (déesse, pas une hérésie). Ou plus précisément, elle partageait cette condition de dieu avec Mahashiva, son Bien-Aimé, c'est-à-dire le leader indépendantiste pour lequel elle quitta son mari lors du voyage qui changea sa vie.
Lorsque Notre Mère Amma décède, pardon, qu'elle quitte son corps pour un autre, des doutes entourent sa mort : bien qu'âgée de quatre-vingts ans, aurait-elle été assassinée par le photographe venu l'immortaliser ? La narratrice mène l'enquête : elle interroge toutes les personnes qui ont fréquenté Rachel Ephraïm, depuis ses disciples les plus proches, au consul général de France (ai-je dit qu'elle était d'origine française bien que née en Egypte ?), en passant par un Pandit, la bonne de son ex-mari ou encore un lama de Darjeeling. Car bien sûr, toutes ces rencontres nous font voyager à travers l'Inde, mais aussi en Israël et en France, afin de retracer la vie rocambolesque de notre sacrée bonne femme.
L'originalité de la narration tient en ce que chaque témoin s'exprime lui-même dans un chapitre différent (je veux dire : ni dans un dialogue, ni dans un discours indirect), et la narratrice ne fait qu'intervenir dans des chapitres intermédiaires pour situer l'action, décrire les paysages, mais certainement pas nous confier ses impressions sur l'affaire : d'elle, on ne sait rien. Elle ne fait que collecter les fragments de vie qui souvent se contredisent. Mais rassurez-vous : comme dans toute investigation, il y a un dénouement. Cependant, on ne peut s'empêcher de se dire que tout ceci, enquête et rencontres, n'étaient qu'un prétexte pour nous faire découvrir cette étonnante facette de l'Inde.
Catherine CLEMENT, Les derniers jours de la déesse, 2006.