De la douceur dans le sacrifice
Il y a beaucoup d'Ivan Tourgueniev dans le Vladimir Pétrovitch qui entreprend de raconter son Premier amour. La préface de l'édition GF nous apprend en effet que l'écrivain russe s'est inspiré de son propre père pour décrire celui de son héros, mais aussi que la princesse Zinaïda Alexandrovna a vraiment existé, sous un autre nom. C'est sans doute pour ces raisons que les personnages de Tourgueniev ont une telle finesse psychologique, que l'auteur parvient à leur conférer en excessivement peu de mots, puisque la nouvelle compte quelques 150 pages seulement.
L'histoire peut se résumer en quelques mots : Volodia, un adolescent de 16 ans, tombe éperdument amoureux de Zinaïda, âgée de 21 ans. Cette dernière fait tourner la tête de plusieurs soupirants, qui sont tous à ses pieds, mais qui ne l'intéressent guère. Pourtant, Volodia doit un jour se rendre à l'évidence : l'objet de toutes ses pensées est amoureuse d'un homme. Mais lequel ? Vous voyez que c'est une livre qui se lit d'une traite, parce qu'on a envie d'avoir la réponse à cette question. Au-delà de cette trame, de nombreuses questions sont posées, au sujet de la passion, de l'infidélité, de la rivalité, de la jeunesse... et méritent réflexion.
Malgré l'apparente simplicité du récit et sa brièveté, de nombreux thèmes sont donc abordés, et la personnalité des personnages - Volodia et ses parents, mais aussi les soupirants de la princesse, et bien sûr cette dernière, et sa mère - est développée avec adresse. Les sentiments du narrateur, sa passion, sa mélancolie, nous sont partagés avec concision mais sensibilité : c'est un régal. L'indépendance de Zinaïda, sa coquetterie, puis son tourment sont également rendus avec finesse. Le père du jeune Volodia, distant et charmant, malgré peu d'apparitions, parvient à prendre une place considérable dans le récit.
Comme l'on peut s'y attendre, c'est un style raffiné bien que sans fioritures que l'on retrouvera dans cette nouvelle. L'abondance des dialogues rend la lecture étonnamment vivante. En un mot : la réputation de chef-d'oeuvre de Premier amour est loin d'être usurpée !
Ivan TOURGUENIEV, Premier amour, 1860.
Ce livre a été lu dans le cadre du défi J'aime les Classiques