L'ami de Monsieur Linh
La petite fille de Monsieur Linh ressemble à un conte moderne. C’est avec un certain brio que Philippe Claudel met en scène un vieillard aux origines orientales, débarquant en France où il se réfugie, alors qu’il a tout perdu. Tout, sauf sa précieuse petite fille, sa seule raison de vivre désormais.
Le style minimaliste de l’auteur donne l’impression que c’est un monsieur Linh, comme il y en a des milliers, qui raconte l’histoire. Et ça marche : on a envie de l’écouter. C’est ainsi que l’on se surprend à comprendre ce que peut ressentir un réfugié victime d’une guerre lointaine et donc indifférente, qui ne connaît pas la langue du pays qui l’accueille, ni rien de sa culture : il est si perdu !
La petite fille de Monsieur Linh me semble être surtout une histoire d’amitié, celle que le petit vieil homme lie avec le gros homme, ce monsieur Bark qui n’arrête pas de lui parler dans cette langue inconnue et qui fume cigarette sur cigarette. Ainsi donc, pour être amis, nul besoin de mots ? Cette relation est la plus touchante du court roman, qui aurait pu s’intituler L’ami de Monsieur Linh sans trahir l’esprit du livre.
Quant à la fin, je suppose qu’elle doit produire son émouvant effet lorsqu’elle est une surprise totale. Les indices que l’auteur multiplie et qui mettent sur la piste de la révélation finale ont sans doute vocation à la justifier a posteriori, mais voila : si vous devinez juste, le soufflé retombe avant même la découverte des dernières pages. En un mot : à tous les Sherlock-Holmes-lecteurs, n'en veuillez pas trop à Philippe Claudel. Il a dû s'être fixé pour lourde tâche de placer sur la balance l'émotion d'une fin voulue inattendue et la vraisemblance nécessaire à l'authenticité du récit. Il paraît que l'équilibre fragile a souvent fonctionné...
Philippe CLAUDEL, La petite fille de Monsieur Linh, 2005.