La Ren de Breckenridge
Le thriller n'étant pas mon genre de prédilection, j'ai du mal à juger celui-ci en comparaison avec ses pairs. Mais en soi, Froid comme le sang se défend. Il est servi par une écriture simple mais efficace, exempte de ces affreuses répétitions ou autres tics de langage qu'on peut s'attendre à trouver dans une (mauvaise) traduction, et pourvue d'un humour bien dosé. Seul bémol, assez mineur : cette impression de se trouver dans une publicité géante, à cause de cet impressionnant déballage de marques en tous genres (vêtements, bières, voitures, etc.). Les dialogues ont la part belle, et sont entrecoupés des réflexions souvent acerbes de notre héroïne, l'agent spécial du FBI Ren Bryce. Ce procédé aurait pu être lassant, mais j'ai trouvé qu'Alex Barclay n'en abusait pas, et finalement il a pour effet de faire sourire et d'étoffer la personnalité du personnage principal en évitant de longues descriptions.
Au-delà de l'intrigue policière et du mystère qui entoure la disparition de Jean Transom, ce sont les personnalités de cette dernière et de Ren Bryce qui font tourner les pages de Froid comme le sang. On s'attache à Jean Transom, agent fédéral exemplaire et secret, dont la vie est reconstituée laborieusement par une Ren Bryce qui est son exact opposé. Plus que portée sur la bouteille, anesthésiée sentimentale, à tendances autodestructrices, Ren se rend tout de même sympathique à nos yeux, sûrement grâce à cet humour déjà mentionné, ce sens de la répartie, cet esprit vif (huilé à la caféine) et cette faiblesse face à certains hommes auxquels elle ne peut résister. Le shérif de Brenckenrigde, quelques-uns de ses habitants, ou encore les membres de l'équipe du FBI qui seconde Ren enrichissent efficacement le panel des caractères du roman.
L'enquête en elle-même, qui a pour décor le Colorado enneigé de Breckenridge, piétine longuement : le temps pour Ren de s'imprégner de l'ancienne ville minière, de faire connaissance avec ses habitants, son bar (et surtout son barman) : en un mot, Alex Barclay accumule les rencontres entre son héroïne et divers bougres, sans que l'on puisse tirer aucune conclusion... De sorte qu'on ne voit pas très bien où nos pas nous mènent : ce n'est qu'après la deuxième partie que l'on suit sérieusement les traces de Jean Transom, et il faut vraiment attendre la fin du roman pour que des révélations relancent la machine Ren. Le dénouement, s'il est surprenant, reste cohérent, et fait appel à des éléments que l'auteur a pris soin de nous donner très tôt dans le récit, ce qui justifie a posteriori ce qui ressemblait à des errances de son héroïne !
Lorsque l'énigme liée à la mort de l'agent Transom dans les montagnes est résolue, il n'est pas encore temps de refermer notre livre. Alex Barclay a jugé bon de mêler à son intrigue principale une tout autre affaire qui aurait pu faire un roman à elle seule, mais se voit expédiée dans les toutes dernières pages de Froid comme le sang : des liens un peu tordus avec tout le reste du récit, le raisonnement express de notre super-agent (sur qui on en apprend presque plus qu'au cours des 400 pages précédentes), des arrestations, et, en exagérant à peine, le monde est sauvé. Alors je dis : dommage, il y a 30 pages de trop. Tout aurait pu s'arrêter avec le dénouement de l'affaire Jean Transom, qui remplissait le contrat du thriller.
Alex BARCLAY, Froid comme le sang, 2008.