Le bon, l'instruit et l'antisémite

Mais c’est sans compter avec la ligue des Français de France. Largement antisémite, elle promet aux Juifs des lendemains difficiles. C’est ainsi que la France s’embrase.
Au lycée, Silbermann ne peut compter que sur un seul camarade. C’est ce camarade qui raconte cette histoire et ce qu’il a appris de ce garçon qui ne demandait pas grand-chose : cesser de n’être qu’un nomade et devenir un Juif-Français. Il est amoureux de cette langue et tous ces livres rangés sur une bibliothèque, il les a lus. Son auteur préféré c’est le « père Hugo » et il comprend mieux que certains Français de souche la subtilité d’une littérature riche et chaleureuse.
Mais cette haine des Juifs lui refuse le droit d’être français et d’aimer cette langue. Des clans se forment dans les cours de récréation et notamment celui dirigé par Montclar qui ne rate aucune occasion : brimades, moqueries, insultes et passages à tabac.
Le narrateur ne comprend pas cette rage déferlante. Il est d’autant plus triste que Philippe Robin, celui qui fut son meilleur ami jadis, participe aux pogroms. Il se jure alors de faire tout ce qui est en son pouvoir pour ce nouvel ami, Silbermann.
Les choses se compliqueront lorsque le père de Silbermann sera accusé de vol. Le journal de la ligue des Français de France fait paraître quotidiennement des articles insultants et le narrateur devra se rendre à l’évidence que même son père, qui est magistrat, n’échappe pas à certaines bassesses humaines.
Un roman court mais intense. Un livre polémique sur une période sombre de l’histoire européenne. Car même si aucune date n’est mentionnée dans l’ouvrage, il a été écrit en 1922...
Un livre intéressant car il offre un point de vue trop rarement donné : l’antisémitisme en dehors de l’Allemagne nazie. Nous oublions trop souvent l’étendue qu’avait ce fléau avant la guerre et les rouages obscurs qu’ont pris certains partis politiques pour atteindre des objectifs peu avouables qui n’étaient pas forcément pangermanistes.
Je salue le courage de l’auteur pour reconnaître cette plaie qui, hélas, coule encore aujourd’hui dans certaines nappes souterraines de nos contrées.
Jacques de LACRETELLE, Silbermann, 1922.