Le chien brun aux lucioles limited

D'un point de vue stylistique, chaque nouvelle a ses particularités, même si la patte de Jim Harrison reste reconnaissable à chaque page. Dans Chien Brun, le héros principal est aussi le narrateur, et c'est avec ses mots maladroits, grossiers ou crus qu'il entreprend de raconter son histoire, qui tourne autour de la découverte d'un chef indien dans un lac. Chien Brun est le roi de la digression, et malgré le format de nouvelle, il nous en apprend beaucoup sur son passé. C'est un homme dans la force de l'âge qui aime les femmes, l'alcool, les marches dans les bois, et son grand-père. Malgré ses nombreux défauts et la somme des délits qu'il a commis, on ne peut que s'y attacher, parce que Jim Harrison lui donne une sensibilité inattendue.
La deuxième nouvelle, Sunset Limited, est construite sur un tout autre modèle : cette fois le narrateur n'est plus un personnage, et en outre Jim Harrison prend le parti d'aborder l'histoire du point de vue de chacun des protagonistes, tour à tour. Il s'agit d'un groupe d'amis révolutionnaires, perdus de vue depuis 20 ans, qui se retrouvent dans l'espoir de faire libérer l'un d'eux, incarcéré au Mexique à cause de ses activités "terroristes". Cette nouvelle se situe plus dans l'action que la troisième, mais l'auteur ne se prive pas de définir intelligemment les liens subtils qui existent entre les membres du groupe des révoltés. Gwen, Patty, Sam, Billy et Zip apprennent à se situer entre eux, deux par deux et dans le groupe, mais aussi par rapport à leurs combats d'antan : que sont-ils devenus ?
La nouvelle éponyme, la dernière, tourne autour de Claire, qui décide à 50 ans de quitter son mari en s'enfuyant au bord d'une autoroute. Le ton est plus intime, plus introspectif ; c'est peut-être la nouvelle la plus touchante dans le fond et dans la forme. Seule face à elle-même dans un champ de maïs, elle entame un dialogue imaginaire avec sa fille : c'est le moment des aveux...
Jim HARRISON, La femme aux lucioles, 1990.