Magnétisme coupable
Nous sommes après la fin de la Seconde guerre mondiale, en Allemagne. Michael Berg a seulement quinze ans lorsqu'il devient l'amant d'Hanna Schmitz, qui a plus du double de son âge. Cette étrange rencontre va bouleverser sa vie. Car au cours des 250 pages du Liseur, Bernhard Schlink nous permet d'accompagner le narrateur de l'adolescence à l'âge adulte, puisqu'à la fin du livre Michael est bien plus vieux qu'Hanna lorsqu'il la connut.
Cette femme que notre jeune héros va aimer au point que, des années après leur séparation, il lui comparera son épouse, cache plus d'un secrets, que Michael va percer à jour lors d'un procès dirigé contre des gardiennes SS qui sont notamment accusées d'avoir laissé brûler vives leurs prisonnières dans une église en flammes. Voila notre étudiant en droit bien tourmenté d'avoir aimé une criminelle ! Dès lors, il se noie dans d'incessantes questions de culpabilité, de faute, de trahison, de morale, de philosophie. Lui qui, en tant que représentant de cette génération allemande d'après-guerre, éprouvait déjà quelques difficultés à se positionner par rapport à ses parents, en comparaison à ses camarades qui jugeaient sévèrement les leurs d'avoir fréquenté au quotidien d'anciens nazis sans réagir... Que dire alors de celui qui avait fait bien plus que côtoyer une nazi ! Même s'il ignorait tout de ce passé qu'Hanna Schmitz occultait soigneusement. Lorsque le jeune homme découvre enfin le deuxième secret de l'accusée, celui de toute une vie, celui qui lui fait tant honte et qu'elle est prête à protéger au prix de nombreuses années de prison, se pose à Michael une nouvelle question de morale : doit-il l'aider, même contre son gré, non pour alléger sa peine, mais simplement pour qu'elle soit jugée en connaissance de cause ? Après sa condamnation, Michael maintient un contact distant mais régulier avec Hanna, jusqu'au jour où, au terme de 18 années de réclusion, elle s'apprête à être libérée. Accepterait-il de s'occuper de sa vieille amie à sa sortie de prison ?
On le voit, les thèmes abordés sont nombreux, et graves. Le liseur est d'une densité étonnante, contrastant avec la légèreté et la sobriété du style, qui rendent la lecture si aisée. A chaque moment-clé du récit, on est tenté de se demander, comme le fait Hanna lorsqu'elle s'adresse à son juge, "qu'aurais-je fait à sa place ?" (celle de Michael, celle d'Hanna, et plus largement...).
Bernhard SCHLINK, Le liseur, 1995.