Miss Liberty
Un homme vient de se faire exploser au bord d’une route dans le Wisconsin. Le seul moyen dont dispose le FBI pour l’identifier est un numéro de téléphone inscrit sur un morceau de papier.
Lorsque deux agents du Bureau arrivent chez l’écrivain Paul Aaron, propriétaire du numéro, ce dernier comprend immédiatement que le corps retrouvé ne peut être que celui de son ami Benjamin Sachs.
Après plusieurs années d’une amitié sans faille avec Paul, Ben Sachs adopte un comportement étrange suite à un accident dont il sort miraculeusement indemne.
Talentueux, mari exemplaire et intellectuel aguerri il n’est plus que l’ombre de lui-même. Il refuse d’écrire, cherche l’excuse qui lui permettra de quitter Fanny et finit par s’isoler dans le Vermont prétextant travailler sur un manuscrit qu’il n’achèvera jamais. Il finira par disparaître purement et simplement de la circulation.
Ce sera plusieurs années après qu’il réapparaîtra pour conter à son meilleur ami les incroyables péripéties qui le conduiront au bout de lui-même.
A l’occasion de la mort de Sachs, Aaron gardera précieusement son secret tout en rédigeant patiemment ce qu’il connaissait de lui et de sa vie.
Paul Auster raconte la brisure d’un homme lorsqu’il découvre que sa vie ne lui correspond plus, la désillusion lorsqu’il découvre que ce qu’il prenait pour du courage n’était qu’une lâcheté travestie, le désespoir lorsqu’il constate la fragilité du lien qui l’unit à la vie et le dégoût lorsqu’il remarque les mensonges dont il est capable pour justifier ses faux-fuyants.
Un livre agréable dans lequel le lecteur reconnaît certains traits propres à l’auteur : le décalage dans les événements, l’imprévisible dans le récit, la profondeur des personnages par le soin qu’il met à les rendre réalistes, l’absence de manichéisme dans les nuances qu’il apporte aux actes posés…
Malgré ces indéniables qualités et la richesse stylistique dont fait encore preuve Paul Auster, je n’ai retrouvé ni la folie dont débordait Mr.Vertigo ou Trilogie New-Yorkaise ni l’atmosphère si prenante de Tombouctou.
Toutefois Léviathan est plaisant à lire car il laisse le lecteur entrer facilement dans le récit et lui permet plusieurs approches dans la compréhension des enjeux. Au fil du récit, l’histoire devient captivante et surprend par la tournure que prennent les incidents de parcours de plus en plus rocambolesques.
Le nombre de personnages mis en scène et l’absence de préjugés de l’auteur à leur conception rend cette foule attachante et d’un intérêt vif. Chaque acteur présente des facettes multiples en fonction du narrateur. En effet même si Paul Aaron est le principal intéressé dans la narration, il implique indirectement les autres personnes ce qui a pour conséquences d’enrichir la vision du lecteur et de lui permettre un réajustement constant de son point de vue. Il en découle une lecture pleine de surprises et permet de rester attentif à l’histoire jusqu’au bout.
En conclusion j’ai beaucoup aimé ce livre malgré un début laborieux (sans doute lié au fait de la grande admiration que je porte d’emblée à l’auteur) et une difficulté à saisir aux premiers abords l’endroit où voulait m’emmener Paul Auster. Une fois les cartes abattues, la mise se montrait à la mesure de l’auteur et fournissait un argument de taille pour persévérer jusqu’à la fin.
Paul AUSTER, Léviathan, 1993.
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