On joue au pendu ?
Le Magasin des Suicides est un très court roman dont le titre dit tout, ou presque. L'intrigue - s'il y en a une... - se déroule donc dans la boutique tenue par les Tuvache, famille qui se dévoue corps et âme à la cause du suicide, à une exception près. Chacun fait preuve d'une imagination débordante quant aux moyens de trépasser volontairement, et l'on peut imaginer le plaisir que ça a été pour Jean Teulé que d'inventer des moyens farfelus de se donner la mort : la pomme de Turing, les bonbons empoisonnés pour les enfants dépressifs, le kimono marqué d'une croix rouge pour ne pas se louper lors d'un seppuku, etc. On pourrait soi-même continuer le jeu, de préférence à plusieurs, et peut-être que ce serait plus amusant, si l'on possède un sens de l'humour qui penche du côté obscur.
C'est donc un roman placé sous le signe de l'humour noir que Jean Teulé propose. Jeux de mots faciles succèdent à situations grotesques ou loufoques, mais voila : c'est à peu près tout ce que l'on peut trouver dans Le Magasin des Suicides. Le cadet des Tuvache, Alan, est sans doute sensé apporter du piment au récit, puisqu'il prend le contrepied de la famille et du monde entier en étant perpétuellement joyeux et optimiste. Ajoutez à ce contenu une fin décevante, même si somme toute elle est à la hauteur de l'histoire qu'elle clôt.
Si je n'ai pas beaucoup ri à la lecture de ce roman, j'y ai néanmoins trouvé un intérêt dans l'image de la société du futur qui y est donnée. Car en effet, Teulé choisit de situer son récit dans un futur flou mais bien au-delà du XXIème siècle, où le monde est un tel ramassis de malheurs qu'il justifie que chacun ait envie de mourir et qu'Alan fasse figure d'anormal. Catastrophes écologiques, guerres, terrorisme, dictature de l'univers, fin des religions telles que nous les connaissons, la dépression érigée en mode d'éducation,... Est-ce à dire qu'en comparaison notre monde ne va pas si mal que ça ?
Jean TEULE, Le Magasin des Suicides, 2007.