Renaissance aux Indes
Tout commence avec l'étranger, ce Florentin aux cheveux blonds et aux airs excentriques.
Il voyage tantôt sur une charrette tirée par des boeufs tantôt sur le navire d'un ancien flibustier rentré dans les bonnes grâces.
Il est pour certains un sorcier, pour d'autres un voleur, pour tous un habile raconteur d'histoires.
Connu sous bien des noms, il se présente à l'Empereur Akbar, souverain moghol, comme étant le Mogor dell'amore, fils de Qara Köz la princesse oubliée. En d'autres termes il ne serait nul autre que l'oncle du monarque lui-même.
Parfois adulé, parfois disgracié, la vérité sur cet étrange Mogor se trouve dans cette histoire au commencement si banal : "Au début ils étaient trois amis..."
Il est difficile de rendre avec précision L'Enchanteresse de Florence tant le récit est riche et complexe.
L'ouvrage s'ouvre sur une profusion de personnages et de lieux qui se côtoient, se croisent, se touchent pour à nouveau s'éloigner. De cette diversité immergée d'un cadre stylistique complexe où s'ajustent flash-backs, ellipses et anticipations naît chez le lecteur le sentiment d'être perdu dans le temps et dans l'espace.
Nous sommes rapidement pieds et poings liés devant une histoire qui semble nous dépasser totalement. Sentiment délicieux au bout du compte car il permet l'immersion complète, l'absolue soumission à l'oeuvre et seul le dénouement finit par importer.
Un bonheur également que cette richesse thématique où l'auteur s'essaye aux sujets délicats de la gouvernance, du pouvoir, de l'amour, de la paternité, des liens historiques unissant l'Orient à l'Occident... Une liste loin d'être exhaustive.
Salman Rushdie fond dans une seule oeuvre l'histoire et le conte en n'hésitant pas à donner un rôle à Machiavel ou à la Reine d'Angleterre. A noter d'ailleurs que les acteurs du roman sont authentiques : l'auteur laisse aux bons soins des lecteurs une bibliographie relativement fournie sur les lieux et les événements relatés.
Une excellente première fois avec Salman Rushdie qui appelle à des rencontres ultérieures.
Salman RUSHDIE, L'enchanteresse de Florence, 2010.