SOS fantôme...

Bien que Lord Canterville n'ait pas dissimulé aux nouveaux occupants la présence du fantôme de sir Simon Canterville, les Otis refusent de se laisser impressionner par l'esprit.
Très zélé, le spectre accomplit sa tâche : créer une ambiance horrible, terroriser les vivants et semer le désespoir.
Mais les Otis ne s'en laissent pas conter. Entre la tache de sang quotidiennement récurrée par Washington Otis, les affronts faits au spectre sur le tapage nocturne que ses chaînes grinçantes occasionnent et les blagues idiotes qu'il doit subir de la part des jumeaux facétieux, le malheureux fantôme a du mal à s'en sortir.
Reste la douce et jeune Virginia Otis qui prend en pitié sir Simon et deviendra malgré tout une précieuse alliée.
Un livre hilarant dans lequel Oscar Wilde confronte les mondes entre eux : le Nouveau Monde pragmatique au possible avec une Vieille Europe transie de superstitions ou encore les vivants terrifiés par des morts terrifiants.
Wilde brouille ici les cartes en montrant un fantôme dépassé par une situation où les vivants jouent peu à peu son rôle et qui tente de se raccrocher à une réputation solide sans pouvoir toutefois contrôler les événements.
Un style clair et limpide malgré un phrasé parfois un peu long. Le conte se prête à merveille au thème développé et permet de par sa brièveté d'éviter les pièges d'une répétition trop rapidement lassante.
Le comique tient du burlesque et de l'humour de situation. Wilde maintient le niveau en usant d'un rythme rapide qui ne permet pas au lecteur de reprendre son souffle. L'auteur use également d'images marquantes et propres au domaine de l'épouvante : le "comte sans tête", le " squelette du suicidé" ou autre "Martin le damné". Oscar Wilde s'attache à tout ce qui crée l'horreur dans ce type de récit et le détourne savamment pour en faire un détail risible qui tourne au désavantage du spectre somme toute sujet par excellence du roman d'épouvante. Ainsi le scénario imaginé par sir Simon pour se venger des arrogants vivants est digne d'un Lovecraft ou d'un Bram Stoker mais la façon dont la vengeance tourne court est ridicule, fait retomber le soufflé et conduit à une scène irrésistible.
Le style et l'absence de pauses dans l'action démontrent en tout cas l'intention de l'auteur quant à offrir un récit distrayant avant toute chose.
Oscar WILDE, Le fantôme de Canterville, 1887.