Stop. Rewind. Play.

Le récit n'a rien de linéaire, car s'il nous plonge dans le vif du sujet dès la première page avec l'annonce de la mort d'Irina, ce sont des allers et retours entre la mémoire de Lancelot et ses investigations présentes qui alimentent notre lecture. C'est ainsi que peu à peu, nous découvrons des pans de la vie de Lancelot (son premier mariage, sa rencontre avec Irina, leurs années de vie commune,...), ainsi que, surtout, l'étendue de sa méconnaissance de la femme qui pourtant était tout pour lui.
Véronique Ovaldé plonge Lancelot dans un brouillard réaliste et médicamenteux, saturé de tristesse et d'interrogations, et afflige son héros d'une jalousie inextinguible. Comme pour mieux représenter un univers qui s'écroule à la mort de la femme de sa vie, les objets disparaissent autour de Lancelot - comme lorsqu'il met fin à son union avec Elisabeth pour rejoindre Irina, première fissure dans son mode de vie léthargique. En outre, l'auteur française affuble ses personnages de noms aux sonorités germanophones ou alors improbables, tandis que l'action semble se dérouler dans un pays hispanique où Lancelot connaît alternativement les températures les plus extrêmes.
Lorsque Lancelot entre en collision avec le passé de sa belle, c'est aussi l'occasion pour nous de découvrir le monde décalé et parfois dangereux des militants en tout genre (contre les marées noires, les OGM, la vivisection, etc.) dont Irina faisait partie - elle ne se contentait donc pas d'être végétarienne...
Le style fluide et atypique de Véronique Ovaldé rend son Et mon coeur transparent difficile à lâcher. Les pensées de Lancelot - et des autres personnages -, ainsi que les quelques dialogues, s'intègrent au corps du texte sans mise en forme particulière, donnant un rythme et un ton particuliers à cette écriture à laquelle on s'adapte dès les premières pages. La longueur des phrases ou celle des chapitres varient tout au long du roman, en sorte qu'on ne se lasse jamais de rien, et surtout pas du récit qui, tout de même, nous tient en haleine : qui était Irina, et pourquoi est-elle morte ?
Véronique OVALDÉ, Et mon coeur transparent, 2008.