Vie de mer
Une impression mitigée. C'est ce que me laisse la lente lecture de ces fameuses Déferlantes de Claudie Gallay. Ce long roman et moi, ça n'avait pas bien commencé : la mer, son phare et ses pêcheurs, les mouettes et autres bêtes à plumes, ce n'est pas vraiment mon truc. Moi, je suis plutôt champs et forêts, bêtes à poils, Ardennes, vous voyez ?
En revanche, je n'ai rien contre les personnages discrets, le mystère, les longs silences, les mots comptés, les passés douloureux. C'est pourquoi je vous dirai : il n'est pas toujours bon de se fier aux apparences, car malgré cette illusoire concordance de goûts, je n'ai pas vraiment accroché avec la narratrice. Pas tout de suite, du moins. Disons qu'il m'aura fallu plus de 400 pages (sur 525). Son parler minimaliste, ses phrases de quatre ou cinq mots, voire deux ou trois, paragraphes de cinq ou six lignes, son condensé de sensations, de pensées, de sentiments, chez moi, ça n'a pas fonctionné. Tout était trop lent, comme au ralenti.
En matière d'atmosphère, le travail de Claudie Gallay est admirable : pendant 500 pages, on ne peut faire autrement que se sentir à La Hague, un habitant parmi Théo, Nan, Lili, Lambert, un membre de leur famille ; on sent presque le vent dans ses cheveux et l'odeur de la mer. On ressent la lourdeur des non-dits, l'oppression des secrets, le poids des silences, les chaînes des passés. Certes, on a envie de connaître l'histoire du mystérieux Lambert, le passé de la narratrice, cette handicapée du sentiment, rescapée de l'amour. Mais Claudie Gallay prend tout son temps, elle donne parfois envie de sauter des pages - et on finit par envisager d'abandonner à force de voir notre ornithologue de narratrice compter et recompter les oiseaux du large, Max être amoureux de Morgane, Lambert soupçonner une vérité mais renoncer à interroger, Lili servir des cafés.
Les personnages de Raphaël et Morgane, les seuls êtres colorés du roman, apportent une vraie bouffée d'oxygène là où la solitude de la narratrice, son isolement voulu, étouffent le lecteur. Ce sont les seuls personnalités que j'ai trouvées vraiment attachantes, mais leur présence n'a pas suffi à me faire passer un bon moment. Je pense avoir été capable d'apprécier la construction de l'auteur, qui crée un véritable univers, mais l'incompatibilité entre le monde de la mer et moi a été un obstacle à une note franchement positive pour cette lecture.
Claudie GALLAY, Les déferlantes, 2008.