Le dernier homme
J'aurais presque envie de vous conseiller de sauter les 100 premières pages si la médiocrité du style n'était pas rendue tolérable par l'ambiance indispensable que Matheson réussit à installer. On ressent le cauchermar, cent fois imaginé, vécu par Robert Neville : il est le dernier représentant de la race humaine. Les éléments d'horreur s'accumulent et viennent alourdir l'atmosphère : non content d'avoir perdu sa famille dans l'épidémie qui a emporté l'humanité, Robert est assailli chaque nuit par des vampires en décomposition. En outre, il passe ses journées à planter des pieux dans le coeur de ses anciens voisins, tout en refoulant ses fantasmes à propos des femmes qu'il s'apprête à assassiner pour les besoins de sa survie.
Richard Matheson choisit de nous faire partager les pensées de cet homme livré à lui-même mois après mois, alors que tout espoir est perdu et que sa survie, chèrement acquise et chaque jour remise en question, semble ne se justifier que par l'instinct (ou l'esprit de contradiction). Des pics d'intérêt surviennent lorsque Robert, abandonnant momentanément sa bouteille de whisky, tente de comprendre le pourquoi de cette épidémie et de trouver une explication scientifique au phénomène du vampirisme et à celui des morts-vivants.
Là où ce roman de science-fiction situé en 1976 (un futur lointain pour Matheson !) prend son envol, c'est au moment où la solitude de Robert est enfin rompue : avec quel réalisme l'auteur décrit-il le bouleversement ressenti par le dernier homme ! Et surtout, voici que des questions essentielles sont soulevées... Mais c'est la fin de ce court roman qui révèle le beau talent de Matheson, dans un retournement de perspective qui donne à réfléchir !
Richard MATHESON, Je suis une légende, 1954.